Rétrospective

L'arrivée de la CBR 900 RR nous rappelle qu'il y a presque quatorze ans, Honda créait déjà l'événement dans le monde des sportives avec une autre 900, la CB-F, plus connue sous le nom de Bol d'Or. Voilà qui méritait bien un rapide retour en arrière.

Lorsque l'on se penche sur l'histoire pas très ancienne de la moto, on s'aperçoit que les constructeurs japonais ont finalement attendu très longtemps avant de se lancer dans la production de modèles réellement sportifs. Pratiquement dès le départ, les Nippons ont marqué leur désir d'élargir le marché de la moto bien plus que d'alimenter les créneaux existants, jugés trop marginaux pour être vraiment rentables. Honda fut le grand instigateur de cette stratégie en accordant, dès les années 60, un soin tout particulier à des détails (tel le démarreur électrique) qui pouvaient permettre d'attirer vers la moto une clientèle autre que celle constituée des seuls fanas. L'amélioration de la fiabilité et le renforcement de la facilité d'utilisation furent la première préoccupation des responsables de la marque. Ils comprirent qu'il était indispensable de débarrasser la moto de son image huileuse et sauvage si l'on voulait en faire un objet de convoitise pour le grand public. Il faudra attendre les années 80 pour qu'apparaissent enfin les premières vraies sportives nippones. Un revirement dont on perçoit les prémices au cours de l'année 1978, avec entre autres le lancement de la Honda CB 900 F.

CB900 Bol d'Or
Aujourd'hui on dirait que c'est une basique. Mais à son arrivée en 1978, la CB 900 Bol d'Or fut considérée comme une sportive de haut niveau. Grâce aux 95 chevaux de son quatre cylindres - 16 soupapes, elle laissait les 1000 concurrentes à quelques longueurs derrière.

La Bol d'Or

Désireux de devancer la concurrence qui mijote quelques nouveautés bien croustillantes, Honda n'attend pas le salon de Cologne en septembre pour dévoiler se dernière création. La CB 900 F est présentée en grande pompe au salon de Londres 1978 qui se tient à la fin du mois d'août. Elle en est l'incontestable vedette même si quelques esprits chagrins font la fine bouche.

Un an plus tôt, Honda avait frappé un grand coup avec la CBX 1000 6 cylindres. Magnifique, raffinée, innovante, la 1000 était exactement ce qu'il fallait au géant pour ranimer son image de pionnier affectionnant les défis techniques. Ce qu'on attendait après ça, c'était autre chose, une moto plus méchante. Une sorte de café racer qui reprendrait le style des RCB qui trustent les victoires en endurance depuis deux saisons. Au lieu de cela, Honda nous propose une machine bien faite, mais finalement très classique, presque timide. Esthétiquement, la 900 n'est pas renversante. Elle reprend sans grande invention la ligne "Euro look ou Euro Style" définie, comme son nom l'indique, en fonction des goûts européens par opposition aux tendances des années précédentes soumises aux désiderata du marché US.

Le côté technique est plus intéressant. Comme la plupart des grandes créations Honda de l'époque, la 900 a eu pour maître d'oeuvre l'inventif Soichiro lrimajiri et la machine porte incontestablement sa griffe. Le quatre cylindres seize soupapes a bénéficié d'une conception raffinée. L'on a tenté de rogner sur le poids mais, avec sa transmission primaire à deux étages et ses deux amortisseurs de transmission, le bloc pèse quand même 92 kilos. En plus, il est large avec son alternateur placé à l'extrémité droite du vilebrequin. La moto complète pèse 251 kg tous pleins faits. C'est dans la norme des 1000 cm3 de l'époque. En revanche, la 900 est puissante. Avec 95 chevaux, elle surclasse la concurrence, avec un joli 214 km/h en position couchée alors que le 400m D.A. est abattu en 12"5.

Malgré ces performances spectaculaires pour l'époque, la Bol d'Or est considérée comme une routière rapide bien plus que comme une sportive. Si son comportement est sain, son poids et ses dimensions ne la rendent pas très vive sur route sinueuse. Moins que son châssis, c'est certainement sa mécanique qui constitue son principal atout sur circuit. Puissant, le quatre pattes s'avèrera supérieur à la concurrence alors que son dimensionnement, largement calculé, lui permettra de supporter sans problème le montage de kits 1000 cm3 qui font grimper la cavalerie au-delà de 130 chevaux. Ainsi, dès la saison 1979, le moteur Honda supplante le vieux Kawasaki dans le paddock des épreuves d'endurance. Aussi appréciée par les routards que par les pistards, la 900 Bol d'Or allait régner sur le marché de la grosse cylindrée jusqu'à l'arrivée de l'autre Honda, la 1100 R.


Les 1100 R, premières replicas

Deux ans jour pour jour après la 900 Bol d'Or et toujours au salon de Londres, Honda lève le voile sur la CB 1100 R que l'on peut considérer comme la première replica japonaise. Les amateurs de sportive, si déçus par le classicisme de la Bol d'Or, retrouvent le sourire. La 1100 a tout ce qu'il faut, le carénage tête de fourche, la selle monoplace, le gros réservoir ventru, les roues larges et un moteur dopé qui revendique désormais 115 chevaux. C'est exactement le café racer qu'on avait vainement espéré deux ans plus tôt. Seul problème, l'impressionnante R ne sera produite qu'à mille exemplaires et son prix, fixé à 34000F (soit 10 000 F de plus qu'une 900), ne la met pas à la portée de toutes les bourses. Développée sur la base de la Bol d'Or, la 1100 se distingue de sa petite soeur sur quantité de points. Le cadre a été renforcé pour encaisser le surcroît de puissance, le bras oscillant racourci de 25 mm est de plus forte section, la fourche de plus fort diamètre, et les combinés arrière plus élaborés ont vu leurs débattements réduits. Les roues Comstar anodisées or sont plus larges alors qu'apparaissent pour le freinage des étriers à deux pistons jumelés. Le moteur passe de 901 à 1062 cm3 après augmentation de l'alésage porté à 70 mm (contre 64,5). Le 1100 est donc légèrement super carré alors que le 900 est un longue course. La culasse renferme des arbres à cames plus méchants issus des RCB d'endurance, le rapport volumétrique passe de 8,8 à 10 à 1 et les carbus gagnent un millimètre (33 mm). Les organes vitaux ont été renforcés pour résister aux vingt chevaux supplémentaires et à l'augmentation du couple qui frise les 3 mkg. Agressive à souhait, la CB 1100 R laisse présager des performances de très haut niveau. De fait, la Honda se révèle rapide et brillante avec un moteur offrant beaucoup de couple à mi-régime, là où le 900 était un brin faiblard, et une pêche spectaculaire à l'approche de la zone rouge. La partie-cycle par contre ne suit pas vraiment. Comme la 900, la 1100 manque de motricité et le surplus de puissance rend le phénomène encore plus sensible. Mais le plus gênant, c'est le poids. La R reste lourde (256 kg avec les pleins), malhabile dans les virages lents alors que son manque de stabilité à haute vitesse n'en fait pas non plus une adepte des grandes enfilades. La moto manque d'équilibre et, sous son plumage de sportive pur jus, on découvre le ramage d'une bonne routière rapide, agréable en conduite coulée, offrant une protection appréciable sur autoroute. Ce n'était pas exactement le but recherché. Aussi le constructeur va-t-il rapidement réviser sa copie et corriger les défauts de sa R.

La 1100 R "bis", qui apparaît un an plus tard, hérite de nombreuses modifications qui vont avoir un effet hautement bénéfique. Extérieurement déjà, la ligne est affinée par la présence d'un carénage intégral dont la partie haute a été heureusement redessinée. Les roues plus larges (2,50 AV et 3,00 AR en 18 pouces de diamètre) et chaussées d'origine de Michelin très performants (des TV2 mixtes endurance) sont les Comstar de la dernière génération apparues sur la CX 500 Turbo, plus réussies que les précédentes. La fourche, toute nouvelle, est munie du système anti-plongée Trac, réglable en trois positions et les amortisseurs arrière font appel à une hydraulique plus élaborée. Autre changement d'importance, la colonne de direction a été redressée et la chasse raccourcie de 2 mm (118 contre 120 mm). Enfin la 1100 se voit dotée de nouveaux freins avant de plus grand diamètre et ventilés radialement, volés à la CBX ProLink. Ces aménagements transforment complètement la CB 1100 R qui offre enfin un comportement à la hauteur de sa mécanique. Certes le poids est toujours là et difficile à oublier dans les portions sinueuses, mais la Honda a tellement gagné en précision et en équilibre que les kilos ne sont plus ressentis de la même façon. De même la stabilité à haute vitesse et la tenue de cap en grande courbe d'une grande rigueur. C'est une magnifique machine à rouler, vite et longtemps. Certes, on est encore loin de la sportive agile dont tout le monde rêve, mais de toutes les grosses cylindrées de l'époque, la CB 1100 R est sans aucun doute celle qui se rapproche le plus de la vérité. Elle le démontrera dans le cadre des Promosport où elle sera intouchable.


Une première historique

Si on replonge dans les quinze dernières années, on découvre donc que Honda ne s'est finalement jamais aventuré sur le créneau de la sportive de forte cylindrée autrement que par le biais de modèles produits en quantité limitée. Et qu'en outre, la marque a totalement ignoré le sujet depuis que les Suzuki GSX-R ont fixé de nouvelles normes au genre. L'arrivée de la CBR 900 RR est par conséquent un événement à double titre et c'est sans doute ce qui explique pourquoi la nouvelle venue s'est parée de tels arguments.

Conclusion

1969. Le jour où la CB 750 a fait son entrée dans le monde est à marquer d'une pierre blanche : c'est la première moto de grande série au monde avec un quatre cylindres en ligne. Quelques vingt ans plus tard, Honda présente une sportive qui va bouleverser la notion de Super Sport. Depuis plus de 20 ans, Honda ne s'est jamais aventuré sur le créneau de la sportive de forte cylindrée autrement que par le biais de modèles produits en quantité limitée et très chers. Ce sera le cas de la CB1100R en 1981, première Replica japonaise, de la RCB vainqueur en Endurance, puis de la VF1000R de 1983 et plus récemment de la RC30 en 1988 ou de la RC45 en 1994. Depuis fort longtemps, la politique Honda vise à élargir le marché de la moto avec des modèles accessibles à tous. Les grosses sportives, excessives, véhiculant une image restrictive et pas vraiment sécurisante, n'avaient pas leur place dans cette stratégie. Jusqu'à ce que Honda, excédé par le succès de la concurrence et sous la pression de la demande pour ce type de machine, lance le projet CBR900.


Contrôle total

Cette étude, mûrement réfléchie, s'est étalée sur un peu plus de 4 ans ce qui est anormalement long pour une sportive. Honda s'est donné les moyens de son ambition : la performance pure. Le concept de base qui a présidé à l'élaboration de la nouvelle CBR900RR Super Sport peut se résumer en deux mots Contrôle Total. L'objectif principal était de permettre au pilote de communiquer ses intentions à sa monture avec plus de douceur et de précision, recevant en retour les sensations qu'il attend. Seule cette réponse interactive pouvait permettre un équilibre optimal entre les trois composantes de performance fondamentales: accélération, comportement en courbe et freinage.

Une réévaluation radicale des éléments de base du concept Super Sport s'imposait, et le maintien d'un équilibre optimal entre l'homme et la machine fit l'objet d'une réflexion minutieuse. La nouvelle CBR900RR incarne les résultats dynamiques de cette quête du "Contrôle Total"

Vedette du salon de Paris en 1991, la Fireblade est la réponse de Honda aux FZR, ZXR et autres GSX-R qui se disputaient entre elles le marché des super-sportives. 124 chevaux pour 185 kg, elle se positionne comme la nouvelle référence de la catégorie. Facile pour le débutant, elle devient une arme redoutable entre des mains expertes. Au vu du succès exceptionnel depuis plusieurs années des motos Super Sport, Honda accepte aujourd'hui l'invitation de cette tendance du marché. Comme plus que toute autre moto, la Fireblade se pilote plus que ce qu'elle se conduit.

La conception du moteur a comporté une analyse intensive, assistée par ordinateur, des technologies se cachant sous chacune doses pièces. Cette analyse a donné naissance à un tout nouveau moteur 4 cylindres en ligne de 893cm3 ce qui contribue très largement à sa maniabilité. Chaque section du cadre a également été conçue avec le même souci de réduction du poids et de concentration des masses. Ceci exigeait l'application de nouvelles technologies de production qui ont permis de mettre au point un nouveau cadre léger et rigide, une nouvelle suspension AV, un nouveau carénage, un nouveau silencieux en aluminium et de nouveaux pneus légers à forte adhérence, Bridgestone BT-50. Tout ceci a été conjugué pour offrir un équilibre inégalé entre la taille et les performances.


Février 1992 sur le circuit australien de Phillip Island, les journalistes découvrent la nouvelle CBR900RR

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