Photos et texte extrait du Moto-Journal spécial Sportives Juin/Juillet 2002
Cette CBR900 préparée par Motopower en Angleterre dispute le championnat Superbike britannique. L'un de ses propriétaires n'est autre que l'illustre Mark Knopfler, le chanteur et guitariste de Dire Straits.
Plus connu du monde de la musique, Mark Knopfler l'est aussi du petit monde de la moto. Le leader de Dire Straits est un passionné de moto et ce de longue date. S'il roule presque tous les jours à moto, il est depuis deux ans propriétaire de la société Motopower, en association avec Russell Savory. Cette société est plus connue dans le monde du Supersport et Superbike britannique sous l'enseigne RS Performance, plusieurs fois détentrice des titres nationaux dans les deux catégories.
Mais le fait d'arme le plus marquant est sans nul doute la victoire de Jim Moodie au Tourist Trophy 1998, qui, au guidon d'une CBR900 homologuée, préparée par RS Performance, faisait le tour de l'Ile de Man à plus de 192 km/h de moyenne. Un sorte d'exploit quand on connaît l'endroit. Le palmarès appartient au passé et, aujourd'hui, Knopfler et Savory se sont lancés dans un nouveau challenge. Celui de développer et de faire gagner une CBR dans le championnat SBK anglais. L'évolution du règlement en 2004 autorisera les quatre cylindres à une cylindrée supérieure aux 750 autorisés actuellement. Avec ses 954 cm3, la Honda trouvera ainsi sa place dans le monde des Superbike. Pour l'instant, le championnat britannique, l'un des plus relevés, a restructuré sa catégorie SBK, en accord avec les futurs règlements. Depuis le début de la saison, cette Fireblade, d'approximativement 180ch, est la seule à se battre aux avants-postes, avec les pilotes Matt Llewellyn et Gary Masson.
Si sur piste la Honda garde l'appellation "lame de feu", Savory a troqué les numéros de course pour une plaque d'immatriculation et développé un modèle route offrant le même niveau de performance. Voici donc la Firehawk, une machine de course avec tout ce qu'il faut pour l'homologation.
Aujourd'hui, six modèles de cette moto faite main ont été produits, sur les soixante quinze prévus. Cette année la CBR stock est donnée pour 153ch (mesurés) en version libre. Après un travail moteur conséquent, la puissance passe sur la RS Performance à 178 ch à 13000 tr/min. Pour parvenir à ce résultat, Savory a simplement calqué le travail effectué par ses équipes en Superbike. Dans ce championnat, la préparation moteur est limitée pour les modèles quatre cylindres de 1000 cm3. Les cylindres, pistons, bielles, vilebrequin et soupapes doivent être d'origine. Seul est autorisé un travail sur les arbres à cames, la compression, le temps d'ouverture des soupapes et la boîte à air. Pour Savory, l'arrivée du nouveau moteur en décembre a apporté un plus notable au développement qu'il avait commencé en août dernier.
"Sachant que le nouveau moteur est arrivé en fin d'année, nous avons d'abord travaillé avec le même bloc moteur, mais en réduisant l'alésage. De plus le moteur est beaucoup plus léger que le précédent. Nous profitons du travail qui a été effectué sur le nouveau moteur" confit Savory. En gardant les même données exigées en SBK, le préparateur a pu augmenter la puissance du moteur et gagné 12% de couple à bas régime. "Dans cette configuration moteur, nous sommes arrivés à le pousser jusqu'à 15000 tr/min dans des conditions optimales. Mais il faut travailler intelligemment, car le moteur est un ensemble qui doit conserver son équilibre" continue le boss. Malgré toutes ces évolutions Motopower, le système d'injection est resté en l'état car Honda garde secret les codes d'accès.
Ce nouveau moteur préparé rentre parfaitement dans le châssis de la CBR et donne une moto de 166 kg, soit 4kg au-dessus des normes Superbike, avec tous les équipements route. Pour arriver à ce poids plume, mais aussi afin de garder une certaine rigidité nécessaire pour transmettre le surplus de puissance, la partie cycle n'est pas en reste de travail. Un amortisseur de direction WP a été couplé à la fourche Showa d'origine. Les jantes anodisées OZ font gagner chacune 1,7kg par rapport à celles d'origine. Le freinage, lui, est confié à Béringer, avec l'étonnant système à quatre disques de 210 mm couplés. Ce freinage paraît bien petit par rapport au double 330 mm d'origine. Mais la réduction du diamètre des disques permet de faciliter les changements d'angles en réduisant l'inertie. La boîte est équipée d'un shifter très proche de ceux utilisés en compétition. L'ensemble de ce travail fait que la Firehawk est une moto à part dans la vitrine du Superbike, mais aussi sur la route. Du moins pour ceux qui pourront se l'offrir.
La première chose que l'on remarque sur cette Honda n'est pas paradoxalement la puissance de son moteur, mais plutôt la sensation de finesse et d'agilité que dégage le nouveau chassis. Cette agilité n'est pas un leurre mais une réalité. Les nouvelles jantes et le système de freinage y sont pour beaucoup. Le freinage est très puissant mais réclame un peu plus d'effort sur le levier que le système d'origine. Le but ici n'est pas de savoir comment freine cette moto, mais plutôt comment elle... avance. Littéralement, c'est impressionnant. Le moteur possède tellement de couple et de puissance qu'on est toujours sûr d'en avoir sous le poignet, et peu importe le rythme auquel on conduit. Mais le plus spectaculaire restent les accélérations surpuissantes. Je peux vous garantir qu'il faut bien s'accrocher aux demi-guidons si on ne veut pas finir sur la route. Le moteur monte en puissance sans aucun trou jusqu'au rupteur situé à 14200 tr/min. Avec cette débauche de canassons, la roue avant a tendance à se relever en permanence mais, heureusement, l'amortisseur de direction remplit parfaitement son rôle.
Un système de sélection semi-automatique, un powershifter Translogic (similaire au système Porsche Sportmatic) est disponible en option. Conçu avant tout pour la course, il faut avouer que ce dernier convient à la CBR. De plus il est débrayable, ce qui permet de revenir à une boîte plus conventionnelle. Côté suspensions, la précharge de l'amortisseur arrière White Power passe de 16 kg comme avec le combiné Showa d'origine à 8,5 kg. Ce changement est justifié par l'absence d'un passager (selle monoplace) et une meilleure exploitation des Dunlop D 208 d'origine. Comme toute machine issue de la compétition, elle possède une multitude de réglages lui permettant de répondre à toutes les configurations, sur piste ou en usage routier. A conduire, la Firehawk est sans aucun doute l'une des plus exclusives sportives jamais produite. Mais sa place est-elle bien sur le bitume de nos routes?